Une kyrielle des positionnements des pays africains en l’absence du Gabon, couvre les différentes déclarations du président sénégalais, Macky Sall, au sujet de la guerre en Ukraine face à la Russie de Vladimir Poutine, dont la puissance acerbe attire certains mais terrifie d’autres encore davantage. La sérénité de son visage donne l’expression d’un chef d’Etat soucieux, ménage une opinion publique au sein de laquelle monte sensiblement le discours antifrançais en particulier et antioccidental d’une manière générale. Et, sur un ton comminatoire, Macky Sall assure, en 2022, la présidence tournante de l’Union africaine, forte de 55 membres, qui appelle au « respect impératif de la souveraineté nationale de l’Ukraine ».
Le mercredi 2 mars, dans l’enceinte des Nations unies, à New York, les différentes variations se sont exprimées. L’assemblée générale y a adopté à une écrasante majorité une résolution à l’intitulé sans équivoque : « Agression contre l’Ukraine ». Sur les 193 pays membres de l’ONU, 141 ont approuvé le texte. Cinq s’y sont opposés. Trente-cinq se sont abstenus, parmi lesquels 17 pays africains, dont le Sénégal. Le texte dénonçait pourtant dans des termes très comparables à ceux de l’Union africaine l’offensive russe. La Cedeao, l’organisation sous-régionale ouest-africaine, et le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, ont, eux aussi, « condamné l’invasion militaire » et « exhorté » les deux parties à « un cessez-le-feu ».
A Paris, un diplomate concède, sous le couvert de l’anonymat, que l’abstention sénégalaise jointe à celle d’autres pays d’Afrique francophone est « problématique ». Elle s’expliquerait par la « peur » que la Russie instille. « Non pas la peur d’une offensive militaire de type Wagner [la société privée de sécurité liée au Kremlin très active au Soudan, au Mali et en Centrafrique], mais d’être l’objet d’une offensive de désinformation manipulant l’opinion qui a atteint un tel point qu’elle provoque une forme de tétanisation chez certains de nos partenaires. »
Bien que cette résolution soit dépourvue de valeur juridique contraignante, son résultat est d’ores et déjà qualifié « d’historique » et interprété comme une victoire par de nombreux chefs d’État, dont le président américain Joe Biden, qui a estimé que celui-ci « expose au grand jour l’isolement » de Moscou. Ce faisant, la communauté internationale entend envoyer un message d’unité et marginaliser au maximum la Russie sur la scène diplomatique.