En moins de sept ans, après la dernière élection présidentielle de 2016, le paysage politique gabonais est dominé par le larbinisme et surtout la traitrise. Plusieurs leaders de l’opposition ont fait défection à Jean Ping, le principal rival du président gabonais Ali Bongo, pour faire allégeance au Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir depuis plus de 50 ans. Le dernier poids lourd a quitté la Coalition pour la nouvelle République (CNR), est l’ancien premier ministre de feu Omar Bongo, Jean Eyeghe Ndong qui a dit, se mettre au service de l’Etat.
La plupart des partis semblent donc pencher vers une participation. Sauf que le Gabon est revenu à un scrutin à deux tours. La question d’une union sacrée avant l’élection ou dans l’entre-deux tours se pose donc.
Animés par le goût effréné de l’argent et donc de la corruption, l’opposition gabonaise semble aller en ordre dispersé comme témoigne un responsable politique. Tandis que d’autre part, un autre responsable politique plaide pour un rassemblement massif dès le début du scrutin. « Le pouvoir fera tout pour qu’il n’y ait pas de second tour. Si les voix sont dispersées, le clan présidentiel s’accordera une majorité absolue dès le départ », d’après ce dernier. Pour l’instant, les partis d’opposition communiquent discrètement sans trop faire du bruit pour ne pas laisser de fuites sur le plan élaboré, mais certains plaident pour la création d’un cadre de dialogue afin de trancher sur la stratégie à adopter.
Ali Bongo Ondimba, est-il sur le point de briguer un troisième mandat ?
Pour le quotidien gouvernemental L’Union, c’est comme si c’était fait… « Ali Bongo Ondimba annonce sa candidature », lance le journal. « Les échéances électorales de 2023 étaient bien présentes dans les esprits des militants et militantes du Parti démocratique gabonais, autour du distingué camarade président, Ali Bongo Ondimba. C’était samedi au Jardin Botanique, relate L’Union, à l’occasion du 54e anniversaire de leur formation politique. Abordant la question des élections à avenir, Ali Bongo Ondimba a clairement laissé entendre : “je serai là avec vous et pour vous !”. Non sans préciser : “la seule issue est la victoire, franche, nette et indiscutable”. »
4 ans après son accident cérébrale vasculaire (AVC), en 2018 à Ryad
Sa candidature n’est pas encore officielle mais « Ali Bongo lance les grandes manœuvres pour 2023 », constate, Jeune Afrique. « La démarche est encore empruntée. Le pas, en revanche, est fermement décidé. Samedi, Ali Bongo Ondimba s’avance à la tribune. Face à lui, la foule des grands jours, celle d’avant le Covid. Près de 8000 personnes, chauffées à blanc, agitant des drapeaux aux couleurs du Gabon et scandant “Ali, Ali, Ali !” L’ambiance est électrique. Cela fait quatre ans. Quatre ans que le chef de l’État n’avait pas pris physiquement la parole devant les militants du Parti démocratique gabonais. »
Et Jeune Afrique de rappeler que le président gabonais a été victime d’un AVC il y a justement quatre ans… « Physiquement, les séquelles sont encore visibles. Le président marche aujourd’hui à l’aide d’une canne. Son débit de parole est légèrement ralenti. Mais intellectuellement, “la machine fonctionne aussi bien qu’avant” », affirme un de ses ministres interrogés par le site panafricain. Et les propos qu’il a tenus devant ses militants « laissent peu de doutes quant à sa volonté de se représenter », pointe encore Jeune Afrique. « À dire vrai, cette échéance, le chef de l’État y pense tous les jours. Depuis trois ans au moins. +Sa décision est prise depuis 2019 et le moment où il a achevé sa convalescence+, croit savoir un intime. »
Nouveau tour de piste
Dans la presse ouest-africaine, l’annonce de la probable candidature d’Ali Bongo suscite bien des commentaires… « Bongo encore ? », s’exclame Murya, la voix du Niger.
« Allons donc pour un nouveau tour de piste avec le légataire universel de la dynastie Bongo qui a hérité du trône de papa à la mort de ce dernier en 2009. (…) “Une victoire franche, nette, indiscutable”, a-t-il dit samedi ? Comment le locataire du Palais du bord de mer peut-il en effet ne pas penser aux conditions calamiteuses, rappelle Mourya, dans lesquelles il a été reconduit en 2016 avec la tragédie du Haut-Ogooué qui avait fait basculer comme l’effet d’un prodigieux miracle les résultats du scrutin qui donnaient Jean Ping vainqueur ? Une tache noire qui a valu, du reste, la mise au ban du Gabon par l’Union européenne et que le désormais futur prétendant entend laver à jamais. Et il le pourra d’autant plus facilement que l’opposition n’est plus que l’ombre d’elle-même. »
Vers une dynastie Bongo ?
« Ali Bongo prendra-t-il le risque de franchir le Rubicon ? », s’interroge Le pays au Burkina Faso. Oui, répond le journal. « Car il est l’otage d’un entourage tribal et familial qui met le pays d’autant plus frénétiquement en coupe réglée qu’il craint la fin de son règne et le début de toutes les incertitudes, avec les nombreuses casseroles que les uns et les autres ont pu trainer après avoir arpenté les couloirs du palais de Marbre plusieurs décennies durant. (…)
En attendant l’annonce officielle de sa candidature, Ali Bongo pense déjà à ce qu’il proposera aux Gabonais les sept prochaines années, mais aussi à sa succession, croit savoir Le Pays, et peut-être à la transmission “gré à gré” du pouvoir à son fils Noureddin Edouard Bongo que beaucoup d’observateurs présentent comme le dauphin putatif, sur qui les projecteurs politiques sont braqués dans la perspective de la perpétuation de la dynastie présidentielle. »
« Les choses sont désormais claires, conclut Aujourd’hui, toujours au Burkina, Ali Bongo, héritier du clan Bongo, n’entend pas quitter le palais qui lui a été légué par son défunt paternel. Les Gabonais sont prévenus. Il faudrait donc plus qu’un AVC ou une élection pour ébranler cette dynastie qui a investi les arcanes du pouvoir depuis des décennies et qui ne semble pas prête à s’arrêter dans ce pays. »